Les premiers chemins de fer de montagne et leurs plans inclinés!
La ligne Andrézieux - Roanne Le Coteau (France)
Par Gérard Vachez
La 3ème ligne ferroviaire de France : Andrézieux - Le Coteau
et les plans inclinés de sa section « montagneuse ».
La concession et la construction et exploitation
Les difficultés de navigation sur la Loire d’Andrézieux à Roanne
limitant l’exportation des houilles de Saint Etienne firent projeter
très tôt (et même avant l’ouverture du premier chemin
de fer) une prolongation de celui ci jusqu’à Roanne.
Le cahier des charges en fut approuvé le 29 mars 1828. L’adjudication
eut lieu le 21 juillet 1828 et seule la société Henry et Mellet
soumissionna avec un rabais d’un demi centime! Une Ordonnance Royale
du 27 août 1828 approuva le choix. Mellet et Henry (deux polytechniciens)
constituèrent la Compagnie du chemin de fer de la Loire le 14 avril
1829, elle fut approuvée par Ordonnance Royale le 26 avril 1829. Ils
présentèrent en 1828 un mémoire sur le tracé envisagé.
Ils écartaient le passage par les bords de Loire, offrant pourtant
une seule pente continue sur toute la longueur, à cause de l’allongement
du parcours (80 km au lieu de 67) et de l’impossibilité d’établir
une double voie sur la section difficile du tracé. Leur préférence
allait au trajet direct par Neulise et L’Hôpital. Trente ans
plus tard, le tracé rejeté fut celui emprunté pour la
rectification de la ligne primitive. Il faut néanmoins reconnaître
que les moyens techniques et financiers avaient considérablement évolué entre
temps. Le tracé est approuvé par Ordonnance Royale le 21 mars
1830.
Les rails n° 1 en fer, à simple champignon, pesaient 65 kg pour
une longueur de 5 m soit 13 kg/m. Ils étaient portés par des
coussinets en fonte espacés de 0,83 m, eux même fixés
sur des dés en pierre. Les coussinets sous joints pesaient 5,5 kg
alors que les intermédiaires pesaient 4 kg. Des traverses en bois
assuraient l'écartement quand la qualité du terrain laissait à désirer.
La plate-forme est établie pour une largeur de 6 m soit deux voies
de 1,45 m avec un intervalle de 1 m et deux accotements de 1 m sauf sur 2500
m où une seule voie est prévue. Pourtant, sur la plus grande
longueur, une seule voie sera posée. A l'exception de deux courbes
de 200 m, toutes les autres ont plus de 300 m. Deux tunnels ont été percés
dans le porphyre le long du Gand, ils ont un peu plus de 100 m de longueur
chacun, 3,50 m de large pour 4,50 m de haut.
Il est à noter que la compagnie faisait déjà des transports
au deuxième semestre 1832 avec relais par route de La Mure (St Bonnet
les Oules) à Saint Etienne. La compagnie possédait à cette
date 2 locomotives et environ 250 chariots pour le transport de la houille,
du coke et des marchandises diverses ainsi que 7 «chars à bancs
improvisés» pour le transport d’employés ou de
voyageurs. Leurs roues et essieux étaient fabriqués à Lyon
et usinées dans les ateliers du Coteau où était fait
le montage.
Comme pour la ligne d’Andrézieux, la date d’ouverture peut porter à confusion. En effet, on trouve souvent la date du 5 février 1834 comme date d’ouverture. Celle-ci correspond en fait aux premiers convois directs de Saint Etienne ou Lyon jusqu’au Coteau. Comme on l’a vu, en août 1832 la compagnie faisait déjà des transports dans la plaine. La ligne était totalement terminée en février 1833 sauf la jonction avec le chemin d’Andrézieux. Les premières circulations sur tout le parcours n’eurent lieu que le 15 mars 1833 selon Bazaine, mais seulement en avril pour d’autres. Le point de départ était la route N° 82 où se terminait provisoirement la pose de la voie en attendant le raccordement vers Andrézieux qui eu lieu le 15 novembre 1833.
Les plans inclinés
1 - Le plan incliné de la Quérillère
Une ordonnance du 23 juillet 1833 modifia le raccordement au chemin de
Saint Etienne en le soudant à la Quérillère (commune
de Saint Just sur Loire) et non en faisant le détour par Andrézieux.
Ce raccordement nécessitait un plan incliné de 29,3 mm/m de
pente sur 800 m de long servi par des chevaux pour gravir le plateau vers
la Renardière.
De ce point à Balbigny le tracé de 37,7 km suit la voie actuelle
dans la plaine du Forez. Ce tracé est en pente quasi continue de la
Renardière au hameau de Lachat peu après Balbigny. De plus,
cette pente est offerte dans le sens des transports lourds, essentiellement
de houille. C’est après Balbigny que la ligne compose avec la
nature (par des plans inclinés) au lieu de la vaincre (par des tunnels
et des viaducs) comme l’avait fait Seguin sur le Saint Etienne - Lyon.
2 - Le plan incliné de Biesse
Après le franchissement de la rivière «le Bernand», nous nous trouvons au pied du premier plan incliné, celui de Biesse. D’une longueur de 1936 m et d’une pente de 44,6 mm/m, il est servi par une machine fixe de 70 chevaux, construite par les ateliers de Chaillot, permettant de remonter 8 wagons chargés soit un total de 24 tonnes. Nous poursuivrons notre voyage par une rampe de 2 mm/m sur 4290 m pour arriver au bas du deuxième plan, celui de Neulise. Sur le trajet nous aurons traversé le plus important ouvrage d’art de la ligne, le pont de Saint Marcel (dit de la Revoute) comportant 3 arches en bois et culminant à 22 mètres au-dessus du ruisseau.
A noter que le bâtiment de la machine de Biesse, encore en bon état,
est menacé d’être rasé si une collectivité locale
ne s’en rend pas propriétaire. C’est probablement le dernier
vestige en France d’un plan incliné sur une ligne autre qu’industrielle
qu’il serait désolant de voir disparaître.
Restes actuels du bâtiment qui
abritait l'ancienne machine à vapeur fixe de Biesse. (photo Andreas Gossweiler) |
Plan d'époque de la machine fixe
de Biesse. A droite, l'emplacement du réservoir d'eau. |
Emplacement actuel de l'ancien
réservoir d'eau nécessaire au fonctionnement de la machine à vapeur. (photo Andreas Gossweiler) |
A Biesse, sur un bâtiment en ruine,
près de l'ancienne machine fixe, on aperçoit une pierre avec deux trous
(cerclée de rouge). Il s'agit d'une ancienne pierre utilisée pour la
fixation des rails. Même type de fixation que pour le chemin de fer
des montagnes Allegheny. (photo Andreas Gossweiler) |
Emplacement actuel de l'ancienne
voie à Biesse. (photo Andreas Gossweiler) |
3 - Les 2 plans inclinés de Neulise
Le versant sud du plan de Neulise appelé Champagny a une longueur
de 2230 m et une pente de 39 mm/m. Le versant nord appelé Grand Ris
a également une longueur de 2230 m mais une pente de 40 mm/m. La dénivelée à franchir était
de 92 mètres.
Le plateau entre ces deux plans avait une longueur de 628 m au centre duquel
se trouvait la machine à vapeur d’une puissance de 30 chevaux
(24 chevaux selon Bousson). Cette machine de faible puissance montée
par les ateliers de Chaillot était une réutilisation de la
machine du bateau « Le Rhône » ayant fait naufrage à Lyon
en 1827. Elle permettait la montée d'un versant seulement si une charge
en descente était disponible. Cette sujétion compliquait passablement
l'exploitation. Elle pouvait tout de même remonter 33 tonnes en 13
minutes. Moins d’un an après sa mise en service, les chaudières
de la machine de Neulise explosent au matin du 21 octobre 1834.
Le manque de fonds chronique de la compagnie ne permit pas le remplacement
immédiat de la machine et pendant une dizaine d’année,
la traction des wagons fut réalisée par des chevaux et même
exceptionnellement par des bœufs. En 1843, la compagnie reconstituée
commanda au Creusot une machine de 120 chevaux permettant la montée
même sans convoi de sens inverse assurant le contrepoids. Après
des essais entrepris le 10 janvier 1845, elle fut mise en service le 10 février
avec plus d’une année de retard sur les prévisions.
Gravure montrant la machine à vapeur
fixe de Neulise. |
4 - Le plan incliné du Buis (Automoteur)
La pente est ensuite plus faible avec 6 à 7 mm/m sur 1424 m. On se
trouve alors au sommet du dernier plan incliné, celui du Buis. Il
a une longueur de 882 mètres pour une pente de 49,5 mm/m (hauteur à franchir
43,5 m). Le câble avait 1100 m de long pour un poids de 2200 kg. Ce
plan est dit «automoteur» car nulle machine ne vient aider au
mouvement. La pente étant heureusement orientée, les transports
lourds (essentiellement le charbon) sont prédominants dans le sens
de la descente et procurent, par l’intermédiaire de câbles
et de poulies, l’énergie nécessaire aux convois montants.
Ce système fut employé jusqu'en 1850. Après cette date,
le nombre de voyageurs et de marchandises venant de Roanne augmentait et
les horaires s'accommodaient mal d'avoir à attendre des charbons de
descente. En cas d'insuffisance de contrepoids, la locomotive s'attelait
au câble et joignait son effort à celui-ci. Elle poursuivait
ensuite sa route jusqu'au pied de Neulise. En cas d'absence de contrepoids,
la locomotive remontait deux à trois wagons chargés, puis s'attelait
au câble de descente et faisait remonter ainsi six à huit wagons
chargés.
A partir de là, on s’engage dans la vallée du Gand en
traversant les deux seuls «percements» de la ligne. En suivant
une pente de 5 à 12 mm/m sur 6600m, nous arrivons à L’Hôpital
sur Rhins d’où nous continuons sur 6415m le long du Rhins jusqu’au
Coteau par une pente de 4 mm/m au début puis seulement 2 mm/m pour
finir. La gare du Coteau a été construite le long de la route
de Lyon avec toutes les dépendances et ateliers nécessaires à la
compagnie. La voie, quant à elle, continue jusqu'à l'ancien
bras de la Loire, le long duquel ont été élevées
des estacades pour le déchargement du charbon.
5 - Le plan incliné de Varenne
(Automoteur)
Estacades de Varennes avec le plan incliné automoteur.
Pour relier le niveau du quai de la Loire à celui du haut de l’estacade
de déchargement, un plan incliné automoteur est établi à Varenne.
Gare d'eau de Varenne en 1834,
avec à droite le plan incliné de Varenne. |
Gros plan du plan incliné de Varenne
et des estacades. |
L’exploitation, après mise en service des machines fixes des
plans inclinés se fait par locomotives dans la plaine pour les marchandises
et par chevaux sur toutes les autres sections.
Auguste Bousson ingénieur à la compagnie et futur directeur
de la compagnie du Rhône et Loire regroupant les 3 compagnies primitives,
publie en 1863 un mémoire sur les différents modes de traction
et d'exploitation employés sur les anciennes lignes de Rhône
et Loire.
De nombreux accidents eurent lieu notamment au plan de Neulise suite à des
dérives de convoi dues aux ruptures de câbles ou de freins.
Lors de son tour de France en 1844, Flora
Tristan a emprunté notre
chemin de fer de Roanne à Saint-Etienne. Elle nous dit « que
ce chemin de fer est très pittoresque mais très mal fait et
que très souvent il arrive des malheurs sur cette route ».
Pour ce qui est de l’histoire complète de la 3ème ligne française mais aussi des première et deuxième, on pourra utilement se reporter au livre « La Loire berceau du rail Français » aux éditions ARF (site : http://arforez.free.fr ).
A noter que le bâtiment de la machine de Biesse, encore en bon état, est menacé d’être rasé si une collectivité locale ne s’en rend pas propriétaire. C’est probablement le dernier vestige en France d’un plan incliné sur une ligne autre qu’industrielle qu’il serait désolant de voir disparaître.
Gérard VACHEZ
Responsable de l’Histoire et du Patrimoine
Amis du Rail du Forez
Les dessins, plans et photos sont des archives de l’auteur ou de
l’ARF (sauf mentions spéciales).
Google Map positionning of the railroad track and the Inclined Planes (Michel Azéma)
You may click on the markers (foot markers) to see precise vue of
actual locations of the planes |
Données techniques
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Début: 15 mars 1833 Fin : 20 novembre 1857 |
Video de Biesse, le bâtiment qui abritait la machine à vapeur du plan incliné et l'emplacement de l'ancienne voie du chemin de fer (1er octobre 2012) (Video Michel Azéma)
Video de l'emplacement de la machine à vapeur des plans inclinés de Neulise (1er octobre 2012) (Video Michel Azéma)
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Les premiers chemins de fer de montagne au monde!
Le chemin de fer des montagnes Allegheny (USA)